Une mise au point a propos des Manuscrits de la Mer MorteMartin A. Larson |
J'ai été élevé
dans une confession religieuse très fondamentaliste; et bien que
j'aie eu très tôt des doutes concernant ses dogmes et ses
pratiques, et que je les aie rejetés alors que j'avais environ vingt
ans, je n'ai jamais perdu un intense intérêt pour la religion
en tant que phénomène social ou pour son influence sur l'humanité.
Je me souviens d'un philosophe qui a dit que les hommes ont créé
les dieux à leur image, et il est certain que les humains ont cru
à presque toutes les époques en une grande variété
d'êtres surnaturels; et un savant a déclaré que le
plus grand miracle est la capacité de l'humanité à
croire en des choses pour lesquelles il n'existe pas de preuve véritable.
Lorsque je faisais mes recherches pour mon doctorat de philosophie à l'Université du Michigan, je fus passionné par Milton [John Milton (1608-1674) poète anglais, protégé par Cromwell et auteur du chef d'oeuvre «Le Paradis perdu» en 1667. NDT] en particulier par ses concepts religieux; et je découvris qu'il était loin d'être orthodoxe dans ceux-ci, ainsi que dans ses convictions politiques. En fait, je découvris qu'il avait adopté diverses hérésies pour lesquelles, sous la loi puritaine, il aurait pu être envoyé en prison, ou même exécuté. Et c'était particulièrement vrai parce qu'il rejetait la doctrine de la Trinité, qui est un dogme central à la fois pour l'Eglise catholique et pour la Réforme protestante. Cela me mena à une recherche des sources de ses croyances; et je trouvai que Michel Servet, brûlé sur le bûcher sur l'ordre de Calvin en 1553, pouvait avoir été l'hérétique qui inspira Milton dans son rejet de ce dogme fondamental. Cependant, lorsque je ne fus plus enseignant mais que je dus mener ma vie dans le monde commercial, je n'eus plus de temps pour la recherche; et je dus la mettre de côté jusqu'en 1950, où j'eus à la fois du temps libre et l'indépendance financière; je me plongeais alors dans de nouvelles recherches dans le domaine religieux. Je conçus bientôt un intense intérêt pour les Manuscrits de la Mer Morte, qui avaient été découverts en 1947; et en même temps, je cherchai à découvrir les sources aussi bien lointaines que directes de l'Evangile chrétien, telles qu'elles sont présentées dans le Nouveau Testament. Je commençai donc une recherche qui impliqua la lecture et l'examen de centaines de volumes ésotériques, et la rédaction d'un gros livre, intitulé La Religion de l'Occident, publié en 1959, qui depuis lors a été réédité au moins cinq fois et est maintenant intitulé L'histoire des origines chrétiennes. Comme mon intérêt pour les Manuscrits de la Mer Morte s'intensifiait, je préparais un autre volume consacré en grande partie à ce sujet et intitulé La Foi essénienne-chrétienne. Il y a quelques années, je fis un discours à la Troisième Conférence Historique Révisionniste Internationale de l'IHR, sur les Manuscrits de la Mer Morte, dans lequel je soulignais deux points: 1. qu'il existe une claire relation entre le culte essénien et les enseignements trouvés dans les Evangiles du Nouveau Testament, en particulier celui de Luc; et 2. que les autorités juives et les religions chrétiennes actuelles semblent déterminées à nier et à rejeter une telle relation, et si possible à empêcher la publication des Manuscrits. En 1947, deux Bédouins tombèrent sur une grotte près de la Mer Morte et découvrirent là plusieurs rouleaux manuscrits, qui furent vendus à quelques personnes de New York et publiés sans délai. Ces manuscrits fournirent de très fortes indications appuyant la thèse que Jésus pourrait avoir été lui-même un Essénien avant d'aller sur le Jourdain pour être baptisé par Jean, et que les Evangiles du Nouveau Testament contiennent beaucoup d'idées et d'enseignements très similaires à ceux des Esséniens. Après cette première découverte, plusieurs expéditions bien financées furent envoyées dans la région pour explorer toutes les autres grottes qui pourraient être trouvées; plusieurs grottes furent découvertes, contenant de riches trésors de documents esséniens; et Millar Burrows, le spécialiste le plus réputé dans ce domaine, déclara que des textes esséniens suffisants pour remplir deux gros volumes avaient été retrouvés. Il est en effet intéressant de noter que plus d'une centaine d'années avant la découverte des Manuscrits, un célèbre auteur anglais, Thomas de Quincey, avait écrit un long essai intitulé «Les Esséniens», dans lequel il soutenait qu'une telle communauté séparée n'avait jamais existé, mais que les gens décrits par [Flavius] Josèphe, Philo de Judée, et Pline, étaient simplement des chrétiens entrés dans la clandestinité à cause des persécutions. Même sur la base des minces indications disponibles en 1830, ce spécialiste renommé parvint à cette conclusion capitale. Je souhaite souligner le fait que la découverte des Manuscrits fut simplement un accident de l'Histoire. Les Bédouins qui tombèrent dessus n'y avaient aucun intérêt, sauf celui d'obtenir un peu d'argent; et ceux qui les achetèrent avaient le même objectif. En conséquence, ces premiers manuscrits virent la lumière sans aucun délai. Ensuite, cependant, un processus complètement différent commença. Les expéditions entreprises par des groupes religieux, qui retrouvèrent de nombreux documents supplémentaires, placèrent ce matériel dans un musée jordanien à Jérusalem. Ils restèrent là jusqu'en 1967, date à laquelle le gouvernement israélien s'empara de la région, du musée, et des Manuscrits, suite à la guerre qui eut lieu cette année-là. Depuis lors, pratiquement personne n'a été autorisé à approcher des documents esséniens, bien que le Manuscrit d'Isaïe, découvert dans l'une des grottes, ait été longtemps exposé au public. Il faut noter que même quand le musée était sous contrôle jordanien, un strict secret fut maintenu. Je sais que lorsque j'écrivis au curateur, pour demander l'autorisation de photographier certaines parties des parchemins des Testaments des Douze Patriarches, la réponse fut que si je faisais le voyage jusqu'ici, je ne serais même pas autorisé à les regarder! Presque quarante années ont maintenant passé depuis que de grandes quantités de documents esséniens authentiques ont été découverts, beaucoup d'entre eux ayant indubitablement un rapport certain avec les origines du christianisme. Il y a de nombreuses années, huit spécialistes furent désignés pour étudier, comparer, mettre en ordre, publier et traduire les Manuscrits. Cependant, tous, sauf un, avaient des engagements ou des obligations religieux; seul John Marco Allegro était libre de telles limitations; il reçut la tâche difficile de démêler les Manuscrits, ce qu'il fit promptement et efficacement; il traduisit et publia aussi quelques fragments des Manuscrits, qui sont très intéressants. Les autres, dont quatre étaient des Catholiques romains et trois des Protestants, firent simplement semblant de travailler; et à ce jour, alors que les Manuscrits pourraient être détériorés par le temps et l'exposition [à l'air libre], pratiquement aucune part de la tâche assignée à ces hommes n'a été accomplie. Je considère ce manquement comme étant peut-être la plus grande et la plus méprisable tentative d'étouffement qui ait jamais été menée dans le domaine religieux. Et nous pouvons noter qu'alors que ceux qui en ont le contrôle veillent à ce que les Manuscrits ne soient pas publiés, ils nient avec véhémence l'existence d'une telle tentative pour retarder ou empêcher leur publication. A cet endroit, je veux dire quelques mots sur l'importance de la religion. D'après mon expérience, j'ai découvert que les bigots dans ce domaine sont les plus intolérants et les plus assurés que eux, et eux seuls, possèdent la vérité -- même si en fait ils ne savent rien -- plus que dans tout autre domaine. Il n'y a rien qui créée plus d'hostilité qu'une opinion ou un fait qui soit en contradiction avec leur religion. Pour cette raison, j'essaie d'éviter les controverses religieuses. J'essaie habituellement de retenir mes opinions ou mes croyances personnelles et j'essaie de limiter toute discussion, si elle existe, à des faits incontestables -- comme ceux se rapportant aux Manuscrits de la Mer Morte. Comme c'est un fait que l'une des plus grandes tentatives d'étouffement de l'Histoire concerne la dissimulation de ces documents, il est certainement pertinent de se demander pourquoi cela a eu lieu. Quels sont les puissants intérêts qui souhaitent dissimuler leur contenu? En ce qui me concerne, la réponse n'est pas difficile à trouver; à la fois les Israéliens et les religions chrétiennes souhaitent ignorer le contenu des Manuscrits et les maintenir dans l'oubli, pour des raisons qui me semblent assez évidentes. Et nous pouvons noter que la religion est peut-être l'influence la plus puissante qui existe sur terre. Bien qu'il existe plusieurs grandes religions et bien que le christianisme lui-même soit divisé en centaines de sectes et de courants, seule l'une d'entre elles, l'Eglise Catholique Romaine, est considérée par certains spécialistes comme une force économique et politique aussi puissante dans le monde occidental que les USA ou l'URSS. Bien que tous les courants chrétiens s'accordent sur certaines questions, ils diffèrent nettement sur diverses autres. Pourquoi, alors, les organisations chrétiennes désirent-elles qu'on oublie les Manuscrits? La raison est qu'elles ont toujours prétendu que leur croyance était une révélation singulière, unique, miraculeuse et suprême, sans prédécesseur ni contribution extérieure. Mais le fait est que rien ne peut être aussi éloigné de la vérité; le christianisme est un assemblage de doctrines, d'enseignements, et d'idéologies qui ont des précurseurs dans des religions antérieures [l'hindouisme, le judaïsme, Zoroastre, Mithra, etc. NDT.], avec une source proche dans le culte essénien. Si ces faits étaient largement connus, l'autorité de l'Eglise ou des églises serait drastiquement réduite. Pour cette raison, les Eglises dominantes sont déterminées à montrer qu'il existe peu ou pas de similarités entre l'essénisme et le christianisme des origines. Ou ils préfèrent simplement ignorer toute l'affaire comme si elle n'existait pas. Il leur serait pratiquement impossible de faire cela si tous les Manuscrits étaient publiés. Nous savons aussi par les Manuscrits, ainsi que par de nombreux passages du Nouveau Testament, qu'à la fois les Esséniens et Jésus s'opposaient violemment aux autorités juives, en particulier aux autorités religieuses. Il y a peu de doute que les Manuscrits, tombant actuellement en poussière, contiennent de nombreux passages dans lesquels les Pharisiens, les Sadducéens, et les Scribes sont dénoncés dans les termes les plus sévères et que la tyrannie exercée par eux à l'encontre des Esséniens dissidents est décrite en détail. Nous savons que vers 104 avant JC., les Esséniens se constituèrent en culte secret, devinrent clandestins, et interdirent à leurs membres de discuter de leurs croyances avec des étrangers. Nous savons aussi que vers 70 avant JC., le Maître de Justice, le chef des Esséniens, se rendit au Temple de Jérusalem, où il dénonça les autorités, et qu'en conséquence il fut exécuté, probablement par crucifixion; et qu'après cela ses fidèles dirent qu'il était sorti de sa tombe le troisième jour, qu'il était monté au ciel, et qu'il enverrait un grand Messie avant la fin de la génération, pour diriger le Jugement Dernier et inaugurer le Royaume des Saints sur la Terre. De plus, je pense qu'il est correct de conclure ou de supposer que les Juifs préfèrent ne pas croire que le christianisme a surgi d'un culte obscur et secret existant presque clandestinement parmi leur propre peuple. [et préfèrent éviter de donner des indications supplémentaires concernant la nature théocratique, bornée et tyrannique de la religion juive de l'époque, ce qui ajouterait à l'image du «peuple-déicide» celle de la répression anti-essénienne, NDT.] Je peux vous assurer que je ne suis pas le seul à croire qu'il existe une conspiration générale pour dissimuler le contenu des Manuscrits restants et, si possible, pour hâter leur destruction. L'un de ceux-là est ce même John Allegro, mentionné précédemment, qui perdit son poste de professeur dans une université anglaise à cause de ce qu'il avait dit, et à qui on interdit tout accès futur aux Manuscrits, après qu'il ait déclaré qu'un prédécesseur de Jésus pourrait aussi avoir été crucifié environ un siècle avant lui. Dans un article intitulé «Le scandale des Manuscrits non-publiés», qui parut le 18 mai 1987, dans le Daily Telegraph de Londres, il déclare que les Manuscrits: «... posent des questions trop brûlantes au goût des spécialistes». Il considère que le retard à les publier est «pathétique et inexcusable» ... depuis des années, ses collègues «se sont assis sur le matériel, qui n'est pas seulement de première importance, mais aussi très sensible sur le plan religieux». Mr Allegro ne doute pas que le contenu des Manuscrits sape le caractère unique du christianisme en tant que secte. «En fait», déclare-t-il, «nous savons tout des origines du christianisme»; cependant: «... les documents ont levé le rideau. Mais les membres de l'équipe internationale sont tous liés d'une manière ou d'une autre, en tant qu'ecclésiastiques, et je pense qu'ils sont très satisfaits de rester assis sur les parchemins ... Cela a été le problème avec les Manuscrits; ils affectent tellement le judaïsme et le christianisme ... ils sont devenus une partie de football politique quand les Israéliens sont entrés dans Jérusalem et l'ont prise aux Jordaniens lors de la guerre de 1967». «Ils sont à présent», poursuit-il, «sous la garde des Israéliens et sont laissés, à ma connaissance, enfermés dans une vitrine dans les sous-sols du musée de Jérusalem, où une bombe pourrait les détruire à tout moment». Il y a quelque trente ans, il fut clairement dit que tous les membres de l'équipe désignés pour travailler sur les Manuscrits rendraient bientôt les documents disponibles pour être publiés dans des journaux spécialisés et par les éditions de l'Université d'Oxford; cependant, Allegro fut le seul membre de l'équipe qui termina son travail. La seule solution au problème, déclare-t-il, «est la constitution immédiate d'un comité international, interconfessionnel et oecuménique pour terminer l'étude et décider de la meilleure manière de rendre le contenu des Manuscrits disponible pour le public». Il aurait pu ajouter, je pense, qu'un tel comité devrait être largement constitué de spécialistes dévoués n'ayant pas d'engagements ni d'obligations spécifiques envers des organisations religieuses. Cela arrivera-t-il? J'en doute très fortement. Je crains que l'étouffement ne continue jusqu'à ce que les Manuscrits soient tombés en poussière -- perdus à jamais. Ceux qui recherchent la vérité devront probablement se satisfaire de ce que nous avons déjà; mais même cela, je vous l'assure, est largement suffisant pour établir le fait qu'il existe une étroite relation entre le culte essénien et le christianisme des origines.
Texte présenté à la Huitième Conférence Révisionniste Internationale. |